L’aumônier dans l’univers carcéral (1/3) - Découverte

« J’étais en prison et vous êtes venus vers moi… ». Une parole bien connue de Jésus ! Les chrétiens se préoccupent d’assurer un prolongement à cette déclaration. Des chrétiens vont vers celles et ceux qui sont privés de liberté. Ces aumôniers (femmes et hommes) cherchent à manifester de différentes façons que le message de l’Evangile est le seul véritable libérateur. Le pasteur Marc Rey, aumônier à la prison de Villefranche-sur-Saône, nous livre divers aspects de ce ministère.

1 Historique
La prison a toujours existé. Dès les premières pages de la Bible (Gn 39.20) jusqu’à ses dernières (Ap 20.7), elle est mentionnée comme lieu de confinement et de détention. La loi mosaïque ne la prévoit pas dans son code législatif mais elle existe en Israël comme lieu d’attente de jugement dès la promulgation de la loi, ne serait-ce que pour « placer sous bonne garde » (Lv 24.12) les prévenus. David l’évoque dans les Psaumes (107, 146).
Au temps des rois d’Israël et de Juda, elle est institutionnalisée (1R 22.27) et le prophète Jérémie raconte que la cour de garde du palais royal a servi de prison (Jr 32.2) ainsi que la maison du secrétaire Jonathan réquisitionnée par les ministres du roi dans laquelle ils avaient installé une maison d’arrêt (Jr 37.15). Ce n’est qu’après le retour de la captivité babylonienne que l’incarcération est mentionnée comme châtiment pour les transgresseurs de la Loi (Esd 7.26), comme lieu de punition où l’on purge une peine prononcée par un tribunal. Les cachots étaient sordides, comparés à des lieux de ténèbres, où la nourriture était réduite à la portion congrue du pain et de l’eau.

La prison est souvent mentionnée dans le Nouveau Testament. Les apôtres y ont passé de fréquents séjours. La détention y est décrite « sous bonne garde » (Ac 4.3) ou « dans les chaînes » (Ph 1.13). Incarcéré probablement dans la forteresse d’Antonia, Pierre est attaché par des chaînes à deux soldats pendant la nuit (Ac 12.3) et Paul a les ceps aux pieds alors qu’il est enfermé dans la prison municipale de Philippes (Ac 16.24). A Rome, il jouit d’un régime de « semi-liberté » mais reste sous la garde permanente d’un soldat (Ac 28.16). Plus près de nous, c’est à la révolution française qui d’ailleurs fit de la destruction de la prison de la Bastille (qu’on appellerait aujourd’hui une centrale) son symbole que l’on doit le remplacement des châtiments corporels par l’incarcération.

L’idéal révolutionnaire mettait un tel accent sur la liberté individuelle que sa privation était considérée comme un mal civique. Après les convulsions qui suivirent la Commune et les nombreuses arrestations de « l’Année terrible » qui arrivait à son terme, le 11 décembre 1871, le vicomte d’Haussonville proposait à la Chambre la nomination de quinze membres dont un ecclésiastique, le Pasteur de Pressenssé, pour améliorer le régime pénitentiaire. René Boulanger, autre membre de cette commission, en avait été le principal inspirateur. Catholique et républicain, il croyait en l’amendement des condamnés.

La commission notait que « pour 402 prisons départementales, on ne comptait que 382 aumôniers et 22 pasteurs, effectif insuffisant » et mettait l’accent sur le rôle des aumôniers qui se devaient d’exhorter au moins une à deux fois par semaine les détenus. René Boulanger disait : « on doit faire appel à l’aumônier qui doit réveiller le souvenir effacé de la divinité. » Après maints atermoiements, le projet fut adopté en 1875. L’originalité de cette loi faisait de la cellule le coeur du dispositif pénitentiaire. « La cellule n’était plus qu’un moyen privilégié de combattre la récidive en interdisant les contacts entre détenus, comme on isole les malades pour éviter la contagion ».

L’administration se mit à l’oeuvre pour « l’isolement complet et continu des condamnés ». Ainsi était née la prison cellulaire qui, dans la France républicaine, accordait aux « aumôniers et aux pasteurs » une place non négligeable dans un climat de laïcité pure et dure.

En 1906, l’anticléricalisme de la Chambre remplaça les surveillantes religieuses par des laïques malgré « les services rendus par les religieuses, moyennant 400 francs par an sans pension ni retraite ». La commission qui présidait au budget de 1900 avait réclamé la suppression des crédits prévus pour les ministres des cultes mais Waldeck- Rousseau prit partie pour la cause des aumôniers indiquant qu’étant donné la liberté de conscience accordée à chaque détenu, il valait mieux que l’aumônier soit choisi par l’État et donc rémunéré par lui. La Chambre lui donna raison. Il en fut de même pour le budget de 1905 qui suscita les mêmes oppositions. «L’anticléricalisme militant cédait au souci de ne point troubler le régime existant dans les prisons, comme le souhaitait l’administration pénitentiaire. » Cela n’a jamais été remis en question depuis.